Il fallait bien que cela arrive... c'est le dernier jour, la dernière étape qui, en 5 heures, doit nous conduire du refuge d'I Paliri à Conca ! La veille nous avions prévu de partir tôt de façon à arriver à Conca pour le déjeuner et de profiter de l'après-midi pour aller à la plage et aussi à Porto-Vecchio. J'y avais repéré il y a 8 ans une boutique qui vendait de magnifiques Tee-shirts du GR20 et j'aimerai beaucoup m'en offrir un maintenant que je l'ai fait...
La montre de Jean-Pierre sonne donc à 4 h 30. Comme nous avons très mal dormi tous les deux, nous avons du mal à nous mettre en route et partons à 5 h 45 sans avoir pris de petit-déjeuner car celui-ci ne serait pas passé (je me sens nauséeuse et sans forces et Jean-Pierre, sans être malade, est un peu barbouillé). Nous nous disons que nous nous arrêterons en chemin si la faim se fait sentir (il nous reste suffisamment de nourriture dans nos sacs pour cela). Je me sens tellement faible que je redonne la tente que je portais ces derniers jours à Jean-Pierre.
Comme je le faisais ces derniers jours, je laisse Jean-Pierre passer devant. Là c'est moi qui ai du mal à le suivre et je me laisse même distancer. J'ai l'impression d'être un zombie et j'ai dû mal à mettre un pied devant l'autre. Les montées me sont plus pénibles que les descentes. Nous faisons beaucoup de pauses. Je profite de l'une d'entre elles pour manger une demi-pomme, dans l'espoir de reprendre un peu de forces.
Nous assistons au lever du soleil sur la mer...


Anne et Amélie nous rattrapent. Elles nous apprennent qu'Anne a été malade cette nuit, ainsi que Laurent et d'autres campeurs... Nous mettons en cause le repas.
Anne et Amélie poursuivent leur chemin. Nous avons prévu de nous retrouver à Conca avant qu'elles prennent la navette pour Porto-Vecchio en milieu d'après-midi.
Nous repartons également. Lentement, très lentement... surtout moi. Nous faisons une nouvelle pause tout près d'un cours d'eau. Je mange l'autre moitié de ma pomme. Des randonneurs nous rejoignent. Nous discutons un peu. Ils viennent également du refuge et ont aussi été malades, ainsi que d'autres randonneurs, mais ils n'avaient pas pris le dîner proposé par le refuge. Nous en arrivons donc à la conclusion que nous avons tous été malades à cause de l'eau que nous avons pris aux douches. Et là, Jean-Pierre se souvient avoir vu de grandes cuves auprès des douches...
Nous repartons sur une montée. Mes jambes n'arrivent plus à me porter. Je repense à cette eau que nous avons dans nos poches à eau et que je m'applique à boire régulièrement pour ne pas me déshydrater (c'est qu'en plus il fait de plus en plus chaud)... et d'un seul coup cela fait tilt ! Nous ne pouvons pas continuer à boire cette eau pleine de bactéries qui nous rend malade... Il faut mettre une pastille de micropure dedans ! Elles sont dans mon sac à dos. Je m'arrête à nouveau pour procéder à l'opération "purification de l'eau". Maintenant il faut attendre au moins 30 minutes avant de pouvoir la boire et surtout rattraper Jean-Pierre qui n'a pas dû se rendre compte que je me suis arrêtée... Cette montée me semble interminable...
Enfin je vois Jean-Pierre. Il m'attend assis contre une pierre. Il s'est endormi en m'attendant. Je lui explique que j'ai mis de la micropure dans ma poche à eau et lui en propose. Je profite de cette nouvelle pause pour ajouter dans ma poche à eau le contenu de deux sachets de sucre en poudre que j'ai dans mes provisions et pour manger deux petites doses individuelles de confiture : cela me fera un peu de glucose ! Je demande à Jean-Pierre qu'il me donne de ses compléments alimentaires qu'il prend le matin pour me redonner un peu de pêche (ginseng, spiruline...). Nous repartons mais au bout de quelques minutes le super cocktail teinté de vert à cause de la spiruline se déverse sur le chemin...

J'ai l'impression que nous n'arriverons jamais au bout de ce GR... Le temps passe... A cette heure nous devrions être déjà arrivés mais à cause de ma lenteur d'escargot nous sommes encore là. Je me retiens de pleurer devant chaque montée tellement je me sens faible et que rien qu'à la vue de la pente je crois que je n'arriverai pas en haut.
Par deux fois Jean-Pierre me demande si je veux qu'il appelle les secours. Je refuse. Je lui dis que nous y sommes presque. Même si j'ai du mal à avancer je veux le finir ce GR debout... jusqu'au bout ! C'est ce que je m'étais dit au départ que je mettrai tout en oeuvre pour réussir...
Alors, je m'encourage toute seule. Je n'arrive pas à trouver de musique à me faire trotter dans la tête, mais j'ai trouvé une phrase toute bête que je répète "un pas après l'autre me rapproche de l'arrivée... un pas après l'autre me rapproche de l'arrivée...". Nous croisons des randonneurs. Ils nous indiquent qu'au bout du col que nous voyons, il y a la descente et qu'en 40 minutes nous arrivons à la fin du GR20. Tout en marchant je calcule : 40 minutes ce n'est pas long... mais ce col qui n'arrive pas... et avec ma lenteur cela fait plus : peut-être une heure. Même une heure ce n'est pas long... Inlassablement je répète mon mantra "Un pas après l'autre me rapproche de l'arrivée... une heure ce n'est pas long... Un pas après l'autre..."
Je ne sais plus à quel moment précis j'ai pris ces deux photos tellement j'étais mal (aux alentours de 12 h 43 et 13 h 25), alors je les poste ici, cela correspond à peu près...


Je me suis encore laissée distancée par Jean-Pierre... Je m'arrête. Je n'en peux plus... C'est là que Pascale me rejoint. Je lui raconte nos mésaventures avec l'eau du refuge. Elle m'annonce que Philippe est tombé et s'est blessé mais que ce n'est pas trop grave. Yuval qu'elle a croisé tout à l'heure a également été malade et est inquiète pour Laurent qu'elle a vu un peu plus haut auprès d'une source mais n'est pas réapparu et n'a pas répondu à ses appels. Je repars avec elle et nous arrivons rapidement à une petite source aménagée auprès de laquelle Jean-Pierre est déjà installé à l'ombre des arbres (La fontaine de Radicale). Dommage, je n'ai pas eu la présence d'esprit de la photographier. D'abord nous commençons à nous mouiller le visage, les bras, les jambes avec l'eau de la source et, après avoir hésité quelques secondes, nous commençons à boire (après tout ce ne sera pas pire que l'eau empoisonné du refuge)... D'autant que d'autres randonneurs viennent s'y abreuver. Yuval, Philippe et Nathalie ne tardent pas à nous y rejoindre. Philippe nous raconte sa chute et le malaise qui a rapidement suivi (hypoglycémie) : ils ne se sont pas rendus compte de l'heure et il était grand temps qu'ils se restaurent (la chute ayant probablement contribué au malaise). Nous restons tous un long moment à nous reposer, nous désaltérer et nous rafraîchir. Nous commençons à nous inquiéter car Laurent ne nous a toujours pas rejoints et nous avons tous échangé nos adresses électroniques pour l'envoi ultérieurs des photos, mais pas nos numéros de portable. Je sors le paquet de canistrelli pour en manger un (il faut que j'essaie de reprendre des forces), mais beurk j'ai l'impression de manger une poignée de farine ! C'est donc que je serais un peu déshydratée... Je bois encore et me repasse de l'eau sur le visage, les bras et les jambes.
Laurent arrive enfin ! Non, il ne s'est pas perdu et n'a pas fait de malaise (comme il a été malade lui aussi c'est ce que nous craignions) : il est tout simplement descendu tranquillement nous dit-il.
Rassurés que Laurent ait rejoint le groupe, avec Jean-Pierre nous nous décidons à partir pour rejoindre le gite - camping de Conca (s'il y a de la place, vu notre état de fatigue, nous passerons la nuit au gite plutôt que de planter la tente). Philippe, Nathalie, Pascale, Yuval et Laurent restent encore un peu à la fontaine. Nous faisons quelques mètres et croisons des gendarmes postés à l'arrivée du GR (qui est également le point d'entrée dans le sens Sud-Nord. Ils nous expliquent qu'en raison du très fort risque d'incendie l'accès au GR20 est interdit depuis 11 h 30 ce matin. Des randonneurs ont en effet dû être évacués, d'autres contraints à rester au refuge. On peut dire que nous avons eu de la chance de pouvoir le terminer dans les temps. A un jour près, nous aurions eu du soucis à nous faire. Et je pense aux randonneurs qui risquent d'être coincés au refuge d'I Paliri contraints de boire l'eau des douches... Je leur raconte notre mésaventure.
Nous repartons. Il nous reste 1,5 km de route à faire. La pause m'a fait du bien : cela va un peu mieux. Nous arrivons au bien nommé bar "Le GR20", il est 14 h 30 passées. Nous avons mis 9 heures à descendre... 9 heures, alors que le topo en prévoyait 5 ! Nous y retrouvons Anne et Amélie qui attendent la navette. Elles s'inquiétaient de ne voir arriver personne (elle sont arrivées en fin de matinée). Nous nous installons et je vais chercher une Orezza pour Jean-Pierre et un jus d'ananas pour moi. Philippe, Nathalie, Pascale, Laurent et Yuval nous rejoignent. Nous prenons un verre tous ensemble. Pascale va acheter un melon qu'elle partage avec nous tous. C'est bon et rafraîchissant ! Jean-Pierre, épuisé, s'endort sur son verre... De mon côté, je suis à bout de forces, mais je veille (je ne lâche pas prise facilement), ce qui me permet d’enlever le verre des mains de Jean-Pierre avant qu’il ne tombe. Nous attendons la navette qu'Anne, Amélie et Yuval doivent prendre à 15 h 30 pour aller à Porto Vecchio.
Nous confions nos appareils photos à un touriste et le mettons à contribution pour immortaliser "les finalistes"...

De gauche à droite, en haut : Anne, Philippe, Amélie, Yuval, Jean-Pierre, en bas : Pascale, Nathalie, moi et Laurent
A suivre...